Convoquer " la République ", se dire " républicain "... Le terme République a-t-il encore un sens? On peut en douter eu égard à la multiplicité des usages dont il fait l'objet, comme s'il était devenu si malléable qu'on pouvait lui faire dire tout et son contraire. Les textes réunis dans ce dossier permettent de montrer que la polysémie du mot renvoie moins à l'évanescence de sa signification qu'à un débat polymorphe sur la définition de la citoyenneté, dans un monde marqué par l'approfondissement de l'individualisme et l'aggravation des inégalités. Inscrits dans des horizons disciplinaires variés – la philosophie politique, la sociologie, les sciences du langage et de l'information et de la communication –, ils décryptent les ressorts du dialogue de sourds auquel la République donne souvent lieu tout en mettant en avant les enjeux de fond qu'il tend à occulter: comment concilier émancipation politique et déterminismes sociaux, communauté de valeurs et pluralisme, débat démocratique et front républicain?
Migration et crise : une co-occurrence encombrante
Ce dossier s'intéresse aux ressorts du cadrage des phénomènes migratoires comme crise, avec une attention particulière aux discours produits en dehors des médias, qu'ils aient ou non été exploités par les médias. Il réunit les contributions de chercheuses en sociologie, science politique, sciences de l'information et de la communication et sciences du langage, qui enquêtent tant sur les constructions discursives de la crise migratoire que sur la mise en crise des discours sur les migrations. À partir des cas belge, allemand et italien, ainsi que celui du Haut-Commissariat pour les réfugiés, elles s'interrogent sur ce que les discours de crise font à l'accueil, tout en en montrant les limites. Là réside l'originalité de cette livraison de Mots. Les langages du politique: plutôt que de mesurer l'hégémonie du cadrage de crise à travers ses effets sur les politiques migratoires ou sur les opinions publiques, les articles réunis ici soulignent les formes de résistance qui s'affirment plus ou moins fortement au cœur même des systèmes d'accueil mis en place en Europe.
Que veut dire porter la parole d'autrui? Si les porte-paroles sont omniprésents dans les débats publics, cette figure reste paradoxalement peu étudiée. Elle est pourtant l'instance à travers laquelle les pouvoirs et leurs opposants parlent, informent, ordonnent et se combattent verbalement.Opérant une généalogie du porte-parolat depuis l'Antiquité jusqu'à ses formes contemporaines (dans les institutions officielles, dans les groupes d'intérêts ou les mouvements sociaux), l'ouvrage donne à voir une multitude de situations où s'expriment et parfois s'opposent des porte-paroles, officiels ou non.Les contributions d'historiens, de sociologues et de politistes réunies ici permettent ainsi de saisir l'émergence et les métamorphoses du porte-parolat, pour mieux comprendre son rôle dans le monde d'aujourd'hui. La personnalisation politique, les exigences accrues d'authenticité et de proximité et le développement des médias sociaux marquent-ils la mort ou le triomphe des porte-paroles?
Le multilinguisme dans les organisations internationales
Le choix du multilinguisme dans les organisations internationales implique un travail constant – et coûteux – de traduction et d'interprétariat, dont les répercussions politiques sont encore trop souvent sous-estimées. Ce sont ces dernières que le présent dossier vise à éclairer, dans une perspective pluridisciplinaire. Les contributions qu'il rassemble confirment, s'il était besoin, que la traduction n'est jamais neutre et que l'anglais – dans sa version globalisée – tend à s'imposer en dépit des proclamations de principe en faveur de la diversité linguistique. Mais leur apport va au-delà de ce constat. Qu'elles s'inscrivent dans les sciences du langage ou dans la science politique, elles montrent en effet très concrètement comment l'anglais internationalisé – et avec lui un système de valeurs et de domination – devient hégémonique, en s'intéressant moins aux manifestations les plus évidentes de ce processus qu'aux mécanismes peu visibles parce que routiniers et/ou dépolitisés qui le soutiennent.Le choix du multilinguisme dans les organisations internationales implique un travail constant – et coûteux – de traduction et d'interprétariat, dont les répercussions politiques sont encore trop souvent sous-estimées. Ce sont ces dernières que le présent dossier vise à éclairer, dans une perspective pluridisciplinaire. Les contributions qu'il rassemble confirment, s'il était besoin, que la traduction n'est jamais neutre et que l'anglais – dans sa version globalisée – tend à s'imposer en dépit des proclamations de principe en faveur de la diversité linguistique. Mais leur apport va au-delà de ce constat. Qu'elles s'inscrivent dans les sciences du langage ou dans la science politique, elles montrent en effet très concrètement comment l'anglais internationalisé – et avec lui un système de valeurs et de domination – devient hégémonique, en s'intéressant moins aux manifestations les plus évidentes de ce processus qu'aux mécanismes peu visibles parce que routiniers et/ou dépolitisés qui le soutiennent.
Maître-mot du mouvement ouvrier, concept clé pour nombre de théoriciens socialistes, l'association cristallise dans l'Europe du XIXe siècle les aspirations à une réorganisation plus juste et égalitaire du travail. Permettant de penser la liberté contre le libéralisme, l'association des travailleurs peut être ainsi appréhendée comme l'expérience en actes d'un pouvoir d'agir collectif et autonome des ouvriers et des ouvrières. Mais c'est aussi un phénomène pluriel. Cet ouvrage vise donc à déconstruire l'objet "association ouvrière" pour rendre compte de la myriade d'expériences concrètes qui se trouvent regroupées sous ce terme. Les contributions rassemblées éclairent les prémisses en France de l'association de travailleurs et de travailleuses sous la monarchie de Juillet, son âge d'or lors de la révolution de 1848, et la multiplication des expérimentations associatives en Europe et au-delà jusqu'à la fin du siècle.
Le présent dossier rassemble des contributions consacrées aux mots du travail. Issus de la science politique, de la sociologie, de l'anthropologie ou des sciences de l'information et de la communication, les auteurs et autrices s'interrogent sur la façon dont le discours néo-managérial est porté par les cadres du privé et du public comme sur la manière dont les salariés y répondent. Ils en révèlent la force de pénétration, essentiellement due à sa malléabilité, qui permet à des acteurs de divers horizons de se l'approprier, et soulignent ses contradictions, entre libération du travail et imposition de nouvelles normes, réenchantement du travail et durcissement des conditions faites aux travailleurs. La résistance et la contestation s'en nourrissent, qu'elles passent par la mise à distance de la communication d'entreprise ou par le réinvestissement de certains aspects du discours médiatique. Comme le soulignent certains des articles du dossier, le langage des luttes n'est d'ailleurs pas lui-même exempt de contradictions.
Restons groupés ! La construction discursive des relations sociales
Group formation in part happens through discourses that contribute to invent, sustain and transform our imagination of society. This collection of articles proposes an account of the discursive construct
Ce dossier s'attache à constituer en objet d'étude ce phénomène récent que l'usage courant désigne par l'expression " petites phrases ". Il vise ainsi à prolonger les travaux qui y ont déjà été consacrés en s'inscrivant dans une perspective résolument pluridisciplinaire. Issues des sciences du langage et de la communication comme des sciences sociales, les contributions qu'il rassemble permettent en effet d'envisager diverses facettes de cet objet multiforme.Dans une perspective rhétorique et argumentative, Irit Kornblit s'attache à retracer au plus près les mutations de " La culture n'est pas une marchandise ", qui oscille entre petite phrase et formule. Éric Treille concentre quant à lui son attention sur les conditions médiatiques et politiques du formatage en petites phrases de la parole politique, à partir d'un terrain riche d'enseignements: les débats télévisés des primaires de 2016 et 2017, qui lui permettent notamment de mettre en lumière la dimension stratégique de la petite phrase. Cette dernière est au cœur de l'article que Romain Mathieu consacre aux négociations électorales menées depuis 2009 entre les partis de la gauche radicale: les petites phrases y constituent pour les acteurs politiques des ressources à la fois efficaces et fragiles, dans la mesure où elles dépendent d'une diffusion médiatique que leurs auteurs ne maîtrisent pas. Les deux dernières contributions envisagent enfin de façon très différente la dimension péjorative attachée à l'expression " petite phrase ": Sarah Al-Matary et Chloé Gaboriaux s'interrogent sur la réalité de l'appauvrissement du langage politique dont les petites phrases témoigneraient, en les confrontant aux transformations en cours des clivages politiques; Annabelle Seoane adopte une approche énonciative et pragmatique pour enquêter sur la catégorisation même de " petite phrase ", où elle voit un acte de distanciation qui dévalorise l'énoncé diffusé tout en valorisant celui qui le diffuse.
L'histoire sociale des idées politiques correspond à un authentique projet de rénovation disciplinaire: ancrer l'histoire des idées politiques dans les sciences sociales. Cependant, ce projet doit encore devenir un programme articulé, entre la sociologie des intellectuels, la généalogie foucaldienne, la sémantique historique, l'analyse du discours et des langages politiques… Sans prétendre livrer la formule magique de son unité méthodologique, cette série de contributions et d'entretiens donne à voir la pluralité et le dynamisme de l'histoire sociale des idées politiques. Elle offre non seulement un panorama international, mais aussi de nombreuses pistes méthodologiques et empiriques, que ce soit sur la notion cardinale de " contexte ", le rapport de Quentin Skinner à la sociologie, le laboratoire démocratique, ou l'histoire des idées en milieu populaire. Fruit d'un important effort collectif, cet ouvrage transdisciplinaire est le premier du genre sur un domaine en pleine expansion.