Mises en scènes, en images et en récits (XIXe-XXIe siècle)
Ce numéro s'inscrit dans le prolongement de travaux visant à reconsidérer la place des femmes (peintres, danseuses, musiciennes, compositrices ou interprètes…) dans l'histoire de la création artistique, sur le temps long. Dans une perspective interdisciplinaire, il étudie la manière dont les musiciennes, envisagées comme figures, ont été mises en scènes, en images et en récits entre les XIXe et les XXIe siècles, en littérature, dans les arts visuels, la création musicale ou encore au cinéma.Représentée dans toutes les cultures depuis l'Antiquité et au sein de nombreux mythes et légendes, la musicienne possède un caractère protéiforme et des valeurs très diverses en fonction des contextes et des usages. Elle tient une place à part parmi les artistes femmes et les modalités de sa présence réelle ou fictionnelle continuent de poser question. Largement essentialisée ou réduite à des archétypes au cours des siècles, elle est dans le même temps celle qui porte une voix singulière, à la croisée de l'intime et du politique. Elle incarne aussi la voix de l'autre, une voix parfois assourdie, essentialisée ou au contraire subversive, voire émancipatrice. Par-delà la diversité des pratiques et des répertoires, ce dossier invite à réfléchir de manière critique aux possibilités de la représentation de la musicienne et à ses enjeux.
Objets et pratiques en circulation dans les territoires de l'Axe. Sociétés & Représentations no 58
L'entretien du corps est au cœur de l'idéologie des mouvements et régimes fascistes. Il se fonde sur l'exaltation de la " race ", qui doit régénérer la nation et servir les ambitions expansionnistes et bellicistes des dictateurs. Ce double objectif idéologique et militaire explique la mise en place de pratiques et de consommations liées aux corps d'hommes et de femmes, qu'ils soient enfants et adolescents dans les organisations de jeunesse, travailleurs du monde agricole ou industriel, sportifs amateurs ou professionnels.Ce dossier étudie ce sujet fondamental pour la compréhension des fascismes en partant des circulations d'objets et d'attitudes corporelles liés à l'entretien du corps au cours des années 1930 et 1940 dans les territoires de l'Axe. Il entend contribuer à une histoire du quotidien et du banal dans une période où ces circulations ne vont pas de soi pour les populations, en raison des politiques protectionnistes adoptées par les États dans la crise économique des années 1930, puis des pénuries en temps de guerre et enfin du refus de consommer étranger par patriotisme en contexte d'occupation ou d'annexion.
La beauté au regard des sciences humaines et sociales
La beauté est redevenue un objet de questionnement de la part des sciences humaines et sociales et ce numéro l'aborde sous plusieurs angles disciplinaires. Elle n'est pas à penser uniquement dans son rapport au grand art, comme harmonie des formes, des couleurs ou des proportions. Les beautés de la nature, les arts appliqués, l'esthétique ordinaire qui constitue notre environnement immédiat, en ville comme dans les campagnes, sont autant de réalités qu'une méditation contemporaine sur la beauté se doit d'inclure. Par ailleurs, la beauté corporelle est devenue centrale dans nos imaginaires, notre économie (financière aussi bien que libidinale), notre fonctionnement social, pour le meilleur (le souci de soi et de l'autre) et pour le pire (la tyrannie des apparences) qu'il s'agit de penser ensemble. Au-delà de la force des normes esthétiques imposées par les médias, ce qui frappe, c'est l'essentielle historicité de ce que nous tenons spontanément et à tort pour invariant et universel. La beauté est une valeur à la fois subjective et collective, universellement présente dans la construction du sujet et socialement déterminée.
La relation de l'homme à son environnement numérique s'est caractérisée dès l'origine par un double mouvement de fascination et de répulsion, mis en scène par les artistes via différents médiums. À partir des années 1990, le numérique a colonisé l'ensemble de la sphère sociale et en a saturé les espaces, libérant aussi à cette occasion une anxiété propre à nourrir des fantasmes paranoïaques.L'attitude de l'homme face au numérique pose alors question: sa prétendue passivité masque mal, en réalité, la profonde défiance qu'il entretient à son égard. L'acuité de cette méfiance s'est révélée par l'ampleur des théories complotistes, ainsi celle liée au vaccin contre le covid, qui aurait permis d'implanter une puce dans le corps de ceux l'ayant reçu – ce que l'on pourrait appeler un " œil numérique ", digne d'Orwell. Chercheurs et artistes ne sont pas épargnés, les uns dépendant des sources toujours plus nombreuses à disposition dans de gigantesques bases de données en ligne, les autres bousculés par des programmes d'intelligence artificielle qui questionnent leurs pratiques créatives. C'est que le numérique actualise en fait une question ancienne: où et comment se forme le regard?
Bien des raisons expliquent l'attrait exercé par l'aventure spatiale: l'esprit pionnier, la fascination du sublime, le défi technique et technologique, la curiosité scientifique et, peut-être, la volonté de résoudre les grandes questions métaphysiques sur l'origine et le devenir de l'humanité, sans oublier les rivalités géopolitiques et les appétits économiques que suscite l'espace… Aucune n'est décisive, mais toutes concourent à constituer un imaginaire, une culture spatiale devenue un terrain d'exploration des sciences humaines et sociales.Des dispositifs de reconstitution, qui permettent entre arts et sciences une appréhension sensible de l'espace, aux œuvres de fiction ou de vulgarisation, qui contribuent à ancrer l'aventure spatiale dans un imaginaire populaire, il s'agit de comprendre comment les représentations de l'aventure spatiale se sont imposées comme thématique prégnante de la culture de masse contemporaine, agrégeant jusqu'aux critiques qui ont pu lui être adressées par ceux qui la voient comme une simple nouvelle conquête territoriale.
Affiches, panneaux, enseignes, hommes-sandwichs, spots radio ou télé-diffusés, annonces imprimées ou en ligne: les visages de la publicité sont aussi multiples que quotidiens. Ce numéro de Sociétés et représentations envisage différents aspects de ces phénomènes, qui constituent un vaste champ d'exploration pour les sciences humaines et sociales. Que dit la publicité de notre rapport au monde? En tant qu'objet opportuniste se glissant sur de nombreux supports et signe visible d'une société capitaliste et marchande, la publicité ne cesse de toucher à nos conceptions sociales et politiques, et de susciter réactions et émotions. À travers des contributions s'intéressant aux formes et pratiques publicitaires depuis le début du XIXe siècle jusqu'à nos jours – et en particlier à l'heure de la professionnalisation du milieu publicitaire dans le premier XXe siècle –, il s'agit non seulement de documenter une histoire interne à cette industrie, mais également d'interroger ses relations avec des sociétés, des époques et des lieux divers, dessinant non pas une mais des cultures publicitaires. C'est dans une perspective pluridisciplinaire, au croisement de l'histoire sociale et culturelle, de l'histoire des techniques, de la typographie, de la littérature, de l'art, des médias audiovisuels ou encore de la sociologie, que ce dossier interroge les cultures publicitaires foisonnantes de la période contemporaine.
La bande dessinée occupe aujourd'hui en France un vaste et florissant secteur des industries culturelles. Segment dynamique du marché du livre, elle affiche une production extrêmement riche et touche des lectorats variés. Entrée de longue date à l'université, enseignée à l'école, la bande dessinée est depuis longtemps sortie des enfers culturels, et aujourd'hui son statut de neuvième art fait figure d'évidence et de lieu commun.Dans ce statut singulier qu'occupe le neuvième art dans l'espace francophone, l'histoire joue un rôle central, tant la bande dessinée s'est imposée à la fois comme un objet, comme une source et comme une écriture pour les historien·nes. Avec son langage singulier fait de la mise en espace-temps d'images et de textes, elle suppose une approche inédite qui renouvelle les questionnements historiques.C'est tout l'enjeu de ce numéro que de proposer, outre un état de la recherche en histoire de la bande dessinée, une manière historienne de répondre à ces questions, en cartographiant les domaines de la recherche la plus récente, afin d'opérer un bilan du foisonnement historiographique et d'esquisser des pistes de renouvellement.
Ce numéro réfléchit à l'invention du rythme de la semaine dans une perspective d'histoire culturelle et interroge les usages renouvelés de cette découpe du temps. À l'heure d'une déprise rapide du temps religieux à l'époque contemporaine, comment la semaine réorganise-t-elle le temps social et personnel? Comment expliquer que, malgré de multiples tentatives (calendrier républicain, calendrier soviétique…), aucun rythme concurrent à la semaine n'ait pu s'imposer? Les contributeurs s'intéressent notamment à l'émergence et au développement de la semaine de travail, de la semaine scolaire et de la semaine des loisirs comme explications de cette hebdomadairisation de la société. Ils font aussi l'hypothèse que les médias, non seulement s'adossent à une découpe largement hebdomadaire du temps, mais qu'ils la renforcent considérablement. À côté d'études panoramiques, certains articles traitent de situations particulières pour montrer que, du Premier ministre à l'interné dans un asile, nul n'échappe au rythme de la semaine.
Le 12 décembre 2017, en plein mouvement #metoo, Libération publiait une tribune de Laure Murat intitulée " Blow up, revu et inacceptable "; l'historienne y expliquait qu'à l'aune des débats sur les violences sexuelles faites aux femmes, revoir le film d'Antonioni cinquante ans après sa sortie obligeait à réviser son jugement. Ce texte a suscité de vives polémiques, certains le résumant à un appel à la censure, mais, s'il a eu un mérite, assez peu repéré néanmoins, c'est celui de poser la question des manières de voir les images et plus précisément d'interroger une activité spécifique: le " revisionnage ".S'il existe une stimulante réflexion consacrée à l'expérience de la vision, l'acte de " revision ", et toutes les modalités qu'il implique, a en revanche été peu envisagé pour lui-même. Il est pourtant inséré au cœur des pratiques sociales les plus ordinaires, celles des artistes comme des chercheurs, celles des critiques professionnels comme du public le plus large. Il se rattache à de multiples activités culturelles qui concernent aussi bien l'audiovisuel, avec par exemple les rééditions en vidéo et les rétrospectives dans les salles, que les images fixes, avec la redécouverte d'artistes à l'occasion d'expositions…