La notion de dépolitisation a suscité depuis une trentaine d'années un nombre important de travaux en sciences politiques, mais demeure en revanche assez peu travaillée par les sciences du langage, du discours et de la communication. Ce dossier s'intéresse à la dépolitisation entendue comme expression d'un manquement, éventuellement volontaire, dans la mise en discours des conflictualités sociales de la part d'instances qui ont traditionnellement la charge de faire vivre la démocratie: élus et institutions de la démocratie représentative, médias d'information, agences et organisations parapubliques ou privées médiatisant une partie de nos sociabilités, choix et engagements.Les articles présentés ici s'attachent à explorer plus avant les différentes mécaniques discursives de la dépolitisation, qu'il s'agisse plus particulièrement de la disqualification d'une mise en politique des thématiques et des sujets en jeu, du rétrécissement de l'espace du débat démocratique, ou encore de l'invisibilisation du politique par l'imposition progressive de rationalités supposément apolitiques. De la communication publique des ministères aux discours des acteurs de la tech, en passant par les différents dispositifs de gestion des débats écologiques et sociaux, les processus de dépolitisation se donnent à voir dans des contextes communicationnels très divers et peuvent être le fait d'acteurs également très différents, que ces contributions se proposent d'éclairer.
Les mots du vote de la Rome antique à la Révolution française
Aucune étude d'ensemble n'ayant encore été consacrée au lexique latin du vote en général, et de l'élection en particulier, ce dossier propose d'aborder l'analyse de ces réalités politiques anciennes par l'angle d'attaque lexicologique, souvent discrédité dans les travaux historiques. Si les Romains disposaient d'un riche vocabulaire pour qualifier les pratiques de désignation à des charges publiques, la dimension proprement technique de celui-ci n'est pas évidente, et il convient d'étudier les contextes historiques, politiques et littéraires d'emploi des principaux termes latins de l'élection (creare, facere, suffragium, etc.). Lexique vivace et mouvant, même pendant la seule période antique – entre latin et grec, époque républicaine et époque impériale –, les mots anciens du vote ont connu une fortune considérable au Moyen Âge, à la Renaissance et à l'Âge classique, à mesure qu'ils étaient lus, interprétés et parfois traduits par les commentateurs des textes classiques et les acteurs politiques de ces périodes. Il importait donc de proposer des analyses contextualisées des cadres divers dans lesquels ce vocabulaire pouvait être réemployé, voire remotivé. Avoir recours aux mots latins du vote n'est pas la même chose dans l'Italie communale des XIIIe-XIVe siècles, lors des débats sur la notion de souveraineté au xvie siècle ou de ceux sur la citoyenneté au xviiie siècle. Traduire ces termes implique des choix idéologiques, latents ou affirmés, qu'il s'agisse de Pierre Bersuire (vers 1350), premier traducteur de l'œuvre de Tite-Live et de la lexie suffragium en français, ou des antiquisants de l'époque contemporaine.
Circulation des discours dans les récits complotistes
La dimension discursive du complotisme fait l'objet, depuis une dizaine d'années, d'un nombre croissant d'études. Le propos de cette livraison de Mots, et son originalité par rapport à d'autres travaux récents menés sur ce sujet est de s'attacher spécifiquement aux pratiques interdiscursives et mimétiques à l'œuvre dans ses mises en discours. Ce dossier vise autant l'identification des lieux langagiers où se cristallise cette circulation que l'élaboration et le partage d'une manière de boîte à outils théorique pour l'analyse.Bien entendu, l'étude de ces dimensions interdiscursives ne peut naturellement se faire sans que ne soient préalablement explorées les conditions sociopolitiques de mobilisation collective favorisant ces reprises ou les conditions techniques de propagation des discours. Par-delà ces paramètres collectifs, la figure de l'énonciateur a également son poids dans la diffusion des discours complotistes.Au total, ce dossier propose une diversité de méthodes et de disciplines: association des sciences de la donnée, des sciences du langage et des sciences de l'information et de la communication, textométrie et analyse des réseaux, sémiopragmatique et textométrie. À ces méthodes outillées ont été adjointes des réflexions sur l'histoire littéraire, l'analyse du discours, la sémantique, preuve du caractère protéiforme du sujet.
Ce dossier s'intéresse à tous les chants dotés d'une certaine charge symbolique, pourvus d'un potentiel émotionnel et intégrés à certaines pratiques rituelles, qui célèbrent, objectivent et confortent l'existence d'un collectif humain. Les hymnes nationaux occupent une place de choix mais non exclusive dans les articles présentés, qui traitent des conditions de naissance et d'existence de ces chants, de leurs caractéristiques langagières et musicales, et des multiples usages sociaux qui en sont faits. Différents pays, différents groupes sociaux et différentes époques sont convoqués, permettant d'amorcer une perspective comparative: hymnes amazoniens célébrant la nature et transcendant les frontières, hymne néocalédonien conçu pour exprimer et tenter de maîtriser une diversité de langues et de cultures, hymne féministe réapproprié par les nouvelles générations, hymnes régimentaires composés dans les conditions particulières de la Grande Guerre. Quant à l'hymne national français, il est abordé sous l'angle du rôle de la mélodie dans son succès.
De la racine à l'extrémisme. Discours des radicalités politiques et sociales
Ce dossier entend en effet traiter " des " radicalités, tant la radicalité ne peut être définie sans envisager son (ses) pluriel(s). Des radicaux, ces Républicains d'autrefois partisans de réformes allant dans le sens de la démocratie et de la laïcité, jusqu'aux doctrines contemporaines dites " radicales " lorsqu'elles vont jusqu'au bout de leurs conséquences, le champ lexical du terme renvoie à des éléments divers qui permettent d'en retracer l'évolution. Cette double appartenance signifie à la fois une forme de retour aux sources (la notion de racine) et son opposé: une transformation extrême entraînant des conséquences majeures. Cette livraison montre ainsi à travers trois études de cas une relation ambivalente à la radicalité. Elle s'intéresse à des stratégies de communication ou de positionnement travaillant l'affichage des radicalités: la polémicité, la réappropriation du stigmate induit par celle-ci, ou au contraire l'atténuation du discours afin d'éviter les sanctions juridiques, ou encore une référence aux origines permettant de se réapproprier une pensée censément antagoniste. Plus globalement, il s'agit ici de cerner ce qu'est un discours radical et comment se traduit le discours des radicalités politiques, sans que cela ressorte nécessairement comme un discours de haine.
Restons groupés ! La construction discursive des relations sociales
Group formation in part happens through discourses that contribute to invent, sustain and transform our imagination of society. This collection of articles proposes an account of the discursive construct
Le discours médiatique sur le sport portant souvent sur les sportifs et sportives de haut niveau auxquel-le-s il assigne des identités catégorielles (classe, genre, " race ", origine, âge…) à des fins emblématiques diverses (par exemple héros national, représentant·e d'un territoire, d'une culture, figure hors norme…), le Dossier analyse ces logiques d'identification et leurs variations – selon les stratégies éditoriales et les communautés de lecteur·rice·s construites – dans la presse spécialisée et les rubriques sport de la presse généraliste, sans oublier de s'intéresser à leur réception par les athlètes.Dans les Échanges, trois contributions prolongent la discussion ouverte par André Gunthert sur l'intervention par l'image.Les Notes de recherche s'intéressent à la " relation diagnostique " dans le cas des patient·e·s atteint·e·s du syndrome de West – forme d'épilepsie sévère du nourrisson – et de leurs familles, à la manière dont les universités rendent hommage à leurs membres décédés, aux relations entre pratiques ludiques, commerciales et pédagogiques dans un parc d'attraction pour enfants, aux médiations et conventions culturelles jouant dans les processus d'expertise au sein du milieu du jazz en France, aux modalités de mise en discussion des discours complotistes sur Facebook et à la diversité des langues chantées dans les musiques populaires françaises.En VO, la chercheure étatsunienne Lisa Cuklanz revient sur trois décennies de travaux sur les représentations de la violence de genre dans les médias et leurs évolutions.La rubrique Focus propose une lecture approfondie d'une œuvre récente – Les Sensibilités religieuses blessées. Christianismes, blasphèmes et cinéma, 1965-1988 de Jeanne Favret-Saada – et d'une œuvre plus ancienne – 33 Newport Street. Autobiographie d'un intellectuel issu des classes populaires anglaises de Richard Hoggart.Les Notes de lecture rendent compte de plus de 50 publications.
25 ans après la parution d'un numéro sur les discours de l'écologie politique, la revue Mots a invité les chercheurs à reprendre ce chantier. La communauté académique a amplement répondu à cet appel puisque la revue a reçu de nombreuses propositions d'articles selon une grande diversité de perspectives. Le présent volume constitue un aperçu de la vitalité de la recherche en matière d'analyse des discours écologistes et environnementalistes, recherche qui s'intéresse tant aux niveaux sémantique et lexical qu'aux niveaux discursif et conceptuel. Les controverses et l'acceptabilité lexicale occupent une place centrale dans les univers rhétoriques analysés par les différents articles proposés dans le dossier. Sont également interrogées les questions de mémoire, de percolation et de circulation des discours, des topiques et des mots dans l'espace, dans le temps mais aussi entre les groupes, partisans ou antagonistes. Mais c'est également la perception de l'avenir, point de fuite des questions environnementales qui est ici abordée.
Les discours publics abondent de paroles expertes et profanes sur la crise économique, sa genèse et sa résolution. Ces discours contribuent diversement à construire les représentations de ce que l'on dénomme souvent " la crise ". Ce dossier revient sur certains de ces discours (politiques, médiatiques, citoyens) à partir d'approches et d'outils qui s'inscrivent au croisement des sciences du langage, de la science politique et de la sociologie.