Durant le Moyen Âge, les sociétés de l'Orient et de l'Occident chrétien tout comme celles de l'Islam sont marquées par l'influence d'hommes et de femmes ferventes, qui firent le choix d'une vie à l'écart, faite de privations et de discipline du corps et de l'esprit. Ces " expériences ascétiques " rassemblent les diverses modalités de contrainte exercée sur les corps, qu'il s'agisse de pratiques, de modèles ou de règles que s'imposent des individus ou des collectifs en rupture avec les normes communes et les traditions, à des fins de purification, de sélection, de détachement ou encore d'exemplification. Ces différentes formes de discipline s'expriment dans les comportements, notamment alimentaires, sexuels et vestimentaires, mais aussi dans les modes de vie et les usages de la violence, dans le rapport à la culture écrite et au savoir et dans certaines formes de la culture matérielle.Les actes du LVe congrès de la SHMESP et du XIe congrès du CERCOR abordent une grande variété de ces modèles et expériences en convoquant l'histoire du religieux, du politique, de l'économie, des groupes sociaux, l'archéologie, la littérature et l'anthropologie historique, tout en s'appuyant sur des sources très diverses, pour offrir ainsi un regard renouvelé et pluridisciplinaire sur les pratiques ascétiques dans les sociétés médiévales chrétiennes et musulmanes.
Soigner par le geste en Grèce archaïque et classique
En 2020, la pandémie de Covid-19 a révélé la puissance ambivalente des gestes médicaux, perçus tantôt comme salvateurs, tantôt comme intrusifs, voire violents. Ce paradoxe, loin d'être inédit, invite à un retour aux sources de la médecine occidentale: comment les Grecs des époques archaïque et classique pratiquaient-ils et représentaient-ils ces gestes?? Pour répondre à ces interrogations, l'étude d'Hélène Castelli porte sur les actions manuelles visant à soigner, qu'elles soient réalisées par des médecins ou d'autres acteurs, réels ou mythiques, et restitue à ces gestes médicaux toutes leurs dimensions?: technique, sociale et symbolique. Elle s'appuie sur des textes, images et récits issus du monde grec, datés entre le VIIIe et le IVe siècle avant notre ère, et contribue ainsi à historiciser la médecine grecque dans sa dimension pratique.
En portant un éclairage nouveau sur l'histoire des pouvoirs municipaux à la fin du Moyen Âge, grâce à l'étude du riche fonds archivistique de Troyes, ce livre permet d'approfondir le rôle des configurations politiques et sociales dans la production de l'écrit, et de comprendre ce que représente le poids d'une " bonne ville " dans le royaume de France, au temps de la guerre de Cent Ans et de la mise au pas des grandes principautés.La mémoire écrite et archivistique construite par les principales institutions gouvernant la " bonne ville " de Troyes – officiers royaux et conseil de ville remplacé par un échevinage en 1470 – forme la trame discursive du récit de l'union sans accrocs des Troyens avec la monarchie. Pourtant, loin de cet irénique discours du pouvoir, certains documents conservés témoignent de fortes périodes d'oppositions au sein de la ville. La mainmise royale n'entrave pas l'expression d'une vie municipale où les hommes d'un même quartier, d'un même métier, d'une même lignée tissent des liens. On y découvre en filigrane une vie communautaire, autour de l'assemblée des habitants, avec des lieux, des moments et des institutions qui leur sont propres et qui œuvrent à la recherche du bien public.
Animaux, savoirs et pouvoir rituel sous l'Empire romain
La documentation dite " magique " de l'Antiquité gréco-romaine recouvre une grande diversité de sources sur des pratiques rituelles qui, notamment sous l'Empire romain, témoignent de l'ampleur des échanges entre les cultures du bassin méditerranéen. Dans les rites guérisseurs, les malédictions ou diverses requêtes adressées aux divinités, au carrefour entre la religion et d'autres registres de savoirs, des animaux aussi divers et merveilleux que la hyène, le caméléon, la huppe ou le poisson nommé echenêis, aussi connus que le coq, le pigeon, le chien ou le serpent, ou encore aussi sacrés que le chat, le faucon, l'ibis ou le scarabée, sont mis à contribution pour leurs pouvoirs et leurs forces vitales.Cet ouvrage explore des bestiaires et leurs auteurs, à travers l'encyclopédie romaine de Pline l'Ancien, les recettes de papyrus gréco-égyptiens ou le grimoire des Cyranides, et met au jour la fabrique d'une puissance, animale, humaine ou divine, qui apparaît comme un horizon de transformation des savoirs à l'époque impériale.
Gestion et écritures comptables à l'abbaye de Saint-Martin de Pontoise (années 1320-1490)
La documentation riche et variée qui nous est parvenue de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Martin de Pontoise permet de saisir les grands enjeux économiques et sociaux qui traversent les XIVe et XVe?siècles, période de crises et de reconstructions. La structure seigneuriale de l'abbaye est ainsi adaptée, à la marge, par les gestionnaires monastiques, sans être fondamentalement transformée, et la variété des pratiques de gestion de l'abbaye se matérialise dans un réseau documentaire dense et structuré autour de la rente.Par l'étude minutieuse de cette documentation, Anne-Laure Alard-Bonhoure mesure l'ampleur de la crise des années 1320-1490 à l'échelle individuelle?: les conditions d'exploitation difficiles mettent durement à l'épreuve notamment les salariés ruraux, qui sont de plus en plus nombreux à l'abbaye, pour répondre aux besoins de la reconstruction. C'est précisément cette vulnérabilité, occasionnant une importante production écrite –?rappels d'arrérages, sentences du prévôt, comptes avec l'abbé?–, qui met au jour d'une part les exigences seigneuriales de l'abbaye, et de l'autre, la dette contractée par ces exploitants et salariés, de plus en plus inévitable.
Ces dernières décennies, la prise de conscience des dérèglements climatiques, la menace de crises écologiques majeures et le débat sur le concept d'anthropocène ont renouvelé l'intérêt des sciences humaines et sociales pour l'étude des relations entre l'homme et son environnement. Les scientifiques anglo-saxons souvent mis en avant ne doivent pas faire oublier l'ancienneté et la vitalité de la recherche française en ce domaine. La Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public (SHMESP) a souhaité rendre compte du dynamisme et des recherches transdisciplinaires de ce champ lors de son 54e congrès dédié aux rapports entre " environnement et sociétés au Moyen Âge " dans les espaces occidentaux, byzantins et arabo-musulmans, mais aussi nordiques et slaves non chrétiens (Poitiers, 11-14 mai 2023).En moyen français du XIIIe-XIVe siècle, le mot " environnement " désigne l'action d'entourer, mais aussi ce qui se trouve tout autour des êtres vivants. Passé dans la langue anglaise, il est d'abord réintroduit dans ce sens et utilisé en français moderne au XIXe siècle. L'environnement a été défini par Robert Delort comme l'" ensemble des facteurs naturels, ou naturels modifiés par l'homme, voire artificiellement créés, qui conditionnent son existence (ou celle d'un autre organisme) ". Autrement dit, il résulte de la combinaison des facteurs physicochimiques, biologiques et socio-économiques qui forment le cadre de vie des groupes humains.Les publications de ce congrès mettent en valeur la diversité des relations entre les sociétés médiévales et leur environnement permettant aux médiévistes, quel que soit leur espace d'étude, de se réapproprier et de reconsidérer sous un jour différent des thématiques anciennes, tout en faisant dialoguer les approches matérielles, textuelles et iconographiques afin de croiser les regards sur les représentations et les pratiques sociales médiévales.
Ce volume constitue un recueil d'études inédites sur l'historien et juge sicilien Guido delle Colonne (XIIIe siècle), auteur de la plus célèbre des versions médiévales de l'histoire de Troie. Best-seller incontesté, l'Historia a été extrêmement diffusée dans l'Europe médiévale: on en dénombre plusieurs centaines d'exemplaires manuscrits, et elle a également été imprimée à plusieurs reprises, tout en étant traduite dans de nombreuses langues vernaculaires.Afin d'étudier cette œuvre hors-norme, ce volume résolument inter-disciplinaire et international, croise histoire, littérature, philologie et histoire de l'art pour présenter les dernières recherches sur cet auteur aujourd'hui paradoxalement méconnu, mais aussi les réflexions les plus récentes sur la réception considérable de son œuvre qui a largement façonné la culture européenne à la fin du Moyen Âge.Ont contribué à cet ouvrage: Giuseppina Brunetti, Catherine Croizy-Naquet, Jacopo Fois, Benoît Grévin, Aude Mairey, Alex Mueller, Clara Pascual-Argente, Maud Pérez-Simon, Arianna Punzi, Anne Rochebouet, María Sanz Julián, Florence Tanniou.
" Tradition ", " réforme ", " rénovation " ou " translation ": diverses notions ont servi à qualifier le fait de succéder, à savoir l'enchaînement, le relai ou le séquençage temporel dans les sociétés médiévales du Ve au XVe siècle (Occident et Orient, Chrétienté, Islam, Byzance). Toutes témoignent de ce que les institutions du Moyen Âge ont régulièrement prétendu répondre à la nécessité du changement sans bouleverser leurs cadres de référence ou, du moins, sans assumer de le faire. Des travaux récents ont enrichi notre connaissance de l'usage contextuel de ces concepts dans leurs expressions politiques, religieuses et culturelles. À travers eux, c'est souvent le point de vue de celui qui lègue qui a été adopté, laissant dans l'ombre l'action de celui qui prend la suite. Succéder n'est pas hériter: le successeur est supposé s'inscrire activement dans une chronologie et définir sa propre identité en regard d'une entité disparue. Cela est vrai dans le monde du travail ou celui de la vie intellectuelle comme dans l'ordre familial et dynastique, à la tête des gouvernements urbains aussi bien que des institutions ecclésiales. Observer les façons de succéder, c'est alors considérer comment des femmes et des hommes, des institutions et des courants intellectuels ont tenté de résoudre l'équation de la continuité et du changement. Le 53e congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur public, qui s'est tenu à Rome les 26-28 mai 2022, a envisagé cette vaste question sans renoncer aux diversités des temps, des lieux, des domaines de l'histoire et des acceptions, du littéral au métaphorique.
Études d'histoire médiévale offertes à Laurent Feller
Retracer la longue et riche carrie`re de Laurent Feller, professeur d'histoire me´die´vale a` l'universite´ Paris 1 Panthe´on Sorbonne, peut sembler une gageure tant ses productions scientifiques sont nombreuses et tant il a contribue´ a` renouveler en profondeur l'approche de l'e´conomie me´die´vale, en nourrissant constamment ses recherches des apports les plus neufs des sciences sociales. C'est pourquoi le pre´sent volume commence par lui donner la parole dans un entretien liminaire limpide, avant de re´unir une quarantaine de contributeurs qui tentent, chacun a` leur manie`re, de reprendre ses the´matiques de pre´dilection: l'histoire de l'Italie et des campagnes, les rationalite´s pratiques, e´conomiques et scripturaires, la culture mate´rielle et la valeur des choses ainsi que la domination des hommes et la distinction e´conomique et sociale dans les socie´te´s me´die´vales.Couvrant un large arc chronologique, du haut Moyen A^ge a` l'e´poque moderne (voire contemporaine), dans un espace europe´en souvent me´diterrane´en, cet ouvrage collectif, qui re´unit plusieurs ge´ne´rations de chercheurs, permet e´galement de mesurer la diversite´ et l'ampleur des re´seaux scientifiques internationaux tisse´s par Laurent Feller tout au long de son parcours d'historien. Partant, il se veut un instantane´ de la recherche en histoire e´conomique et sociale actuelle.