Clément Marot ou l'éternel " adolescent ", comme l'indique le titre de son principal recueil, L'Adolescence clémentine, publié en 1532, alors qu'il a déjà trente-six ans et plus qu'une douzaine d'années à vivre. Cette œuvre, composée tout entière pendant le règne de François Ier, est la manifestation la plus claire, la plus évidente, de la Renaissance des lettres qui a fleuri à l'aube du XVIe siècle. Œuvre classée par genres, où les ballades et les rondeaux font bon ménage avec les épîtres et les chansons, les épitaphes et les complaintes, œuvre polyphonique souvent mise en musique, L'Adolescence clémentine s'inscrit dans le droit fil de la poésie médiévale, tout en la modernisant, la renouvelant et la transformant, dix ans avant que ne surgisse la révolution poétique de la Pléiade, laquelle ne parviendra pas à la faire oublier.Poésie instable que celle de L'Adolescence clémentine, dialogante, effervescente, jamais fixée, toujours répétée, mais comme on répète un texte de théâtre, en le découvrant et en le variant à chaque reprise, poésie continuée jusqu'à La Fontaine et à Voltaire, à redécouvrir de toute urgence aujourd'hui.
L'essai, au sens étymologique, c'est la pesée, le poids; au figuré, c'est l'exercice, le prélude, l'échantillon. Partant du mot, que Montaigne introduit dans le domaine littéraire, ces pages envisagent le livre III, d'abord de manière synthétique et globale, en trois sections consacrées à Montaigne, aux Essais et à la " bibliothèque des Essais ". Puis se dévident des " cheminements de chapitres ", analysant quelques-unes des plus célèbres sections du livre III, " Du repentir ", " Sur des vers de Virgile ", " Des coches ", "De l'art de conférer ", "De la vanité ", "Des boiteux ", "De la physionomie ", "De l'expérience ".L'anthologie critique conduit de Pascal, lecteur assidu, et quand bien même indigné souvent, des Essais, à Stefan Zweig, qui termina ses jours au Brésil en lisant et commentant Montaigne, au début d'une longue guerre dont il ne vit pas la fin.
Représenter la corruption en France à l'âge baroque (1580-1660)
Réunissant critiques littéraires, philosophes et historiens de la culture, ce volume aborde l'expression de la corruption dans l'intervalle qui s'étend de la diffusion du post-tridentisme à l'avènement de l'absolutisme en France (1580-1660). L'enquête est guidée par la remarquable efflorescence sémantique et stylistique que cette notion a connue dans un nombre considérable d'imprimés: pamphlets hostiles au roi, satires, ouvrages de controverse confessionnelle, hagiographies et martyrologes, poésie spirituelle, littérature sermonnaire, histoires tragiques, natures mortes et vanités, écrits libertins, traités médicaux… autant de productions textuelles ou iconographiques destinées à rappeler à l'individu sa nature vandalisée par le péché originel ou, du moins, l'inéluctable altération physique qui l'accaparera.
Œuvre exigeante que Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné, qui peignent la France en mère affligée, contemplant la querelle sanglante d'Ésaü et Jacob, ses deux fils ennemis. Il a fallu le recul du classicisme pour que soit revalorisée une poésie âpre et sans concession, indifférente aux chocs qu'elle porte et aux blessures qui la modèlent.Cette réhabilitation va de pair avec la formidable ouverture critique que le poème a suscitée. Où placer d'Aubigné, cet enfant du siècle égaré hors de son aire? Que faire de ce contemporain de Malherbe, qui écrivait pour déplaire et parce que la vérité qu'il prônait paraissait vaincue? Comment dans un siècle qui l'a ignoré comprendre son monumental poème qui se posait comme la fin de toute poésie? Les quatre volets de ce recueil, " Genèses ", " Les étages du monde ", " Du brame au concert ", " Errants et prophètes ", dessinent un étagement progressif qui éclaire de proche en proche l'architecture des Tragiques. Dix-sept études transversales réunissent autour du poème le faisceau d'interrogations consubstantielles au chef-d'œuvre de la poésie militante.
Enfant du siècle, " romantique né classique ", Musset est l'une des figures les plus originales du romantisme français. La postérité l'a défini comme l'un des grands lyriques de son siècle, mais a parfois mal jugé le dessein du poète comme ses idées sur la littérature ; c'est que l'œuvre de Musset échappe à toute lecture univoque. Dans ce volume, se dessinent les contours d'une imagination créatrice nourrie d'une vaste culture, étrangère et nationale. Musset participe en effet à la refonte des genres dramatiques, investissant le proverbe, la comédie, le conte et la nouvelle, mais aussi les différentes formes poétiques. L'étude des motifs signale enfin une conscience aiguë des formes, notamment dramatiques. L'ouvrage lève le voile sur le caractère novateur de Musset, mais aussi sur les rapports paradoxaux qu'il entretient avec les innovations. Musset, l'idéaliste blessé, le fantaisiste nostalgique, le joueur dipsomane, apparaît dans ce volume qui dresse un état des lieux de la critique mussétienne.
Quand paraissent Les Faux-Monnayeurs en 1925, Gide n'en est pas à son premier coup d'essai en termes de fiction narrative. Pourtant Gide avouera plus tard à son ami Roger Martin-du-Gard qu'il s'agit là de son " premier roman ". Quel est le statut des Faux-Monnayeurs ? Où situer leur esthétique ? Gide, habile orfèvre de la composition, y multiplie les points de vue et les voix, instaurant entre le lecteur et l'oeuvre un étrange pacte labyrinthique. Lectures des Faux-Monnayeurs se propose de frayer des chemins à l'intérieur du roman, de dessiner des lignes de partage dans l'enchevêtrement romanesque. Les études réunies dans ce volume s'intéressent à plusieurs aspects du roman : sa dimension autobiographique, religieuse, littéraire, morale ; elles analysent en outre sa dynamique d'enquête policière, son rapport à la musique et à la justice, ses intertextes, mais aussi le style de Gide, et la manière dont il " travaille " et déconstruit les personnages et l'intrigue.