Enquêtes sur la mécanisation de l'agriculture et ses conséquences
L'agriculture numérique – drones, tracteurs connectés, pulvérisateurs de " précision ", etc. – est aujourd'hui présentée comme une solution incontournable pour affronter les défis alimentaires et écologiques globaux. Ce projet s'inscrit dans la continuité des politiques d'équipement agricole ayant favorisé la concentration des exploitations et l'intensification des modes de production depuis les années 1950. Les machines agricoles demeurent toutefois des technologies peu débattues et peu étudiées.Quelles sont les organisations économiques et professionnelles ainsi que les politiques publiques qui, hier comme aujourd'hui, promeuvent des technologies intensives en capitaux et gourmandes en énergies fossiles? Quelles transformations du travail agricole et quelles conséquences environnementales en résultent?Rassemblant les contributions d'historiens et d'historiennes, de sociologues et d'anthropologues, ce livre éclaire les formes des verrouillages sociotechniques dans lesquels sont pris les agriculteurs et les agricultrices, contraignant leurs choix, augmentant leur empreinte environnementale, limitant la maîtrise de leurs outils de travail, et décourageant leurs velléités de bifurcation.
De l'insurrection de 1871 à l'apparition des formations nationalistes dans l'entre-deux-guerres, l'Algérie entre dans une période de colonialisme triomphant. L'administration se renforce, les terres sont massivement transférées à des colons européens et l'ordre semble régner sur ce territoire colonisé. Pourtant, à y regarder de plus près, la vie rurale reste rythmée par une vive conflictualité sociale. Les usages des territoires forestiers font l'objet d'affrontements âpres. Les terres confisquées continuent souvent d'être occupées. Et surtout, un banditisme rural émerge et ne cesse de préoccuper l'administration coloniale. Dans les années 1890, les autorités considèrent le banditisme comme le ferment potentiel d'une insurrection. Cette résistance perçue suscite une réaction répressive qui se heurte à une sourde hostilité de la société rurale qui met régulièrement en échec les tentatives de destruction des bandes. Primes de dénonciation ou de capture, internement des familles de bandits, campagnes militaires, condamnation au bagne ou à la peine capitale sont quelques-unes des mesures prises pour venir à bout des résistances à son autorité. Cet ouvrage cherche à suivre pas à pas ces bandits ruraux, de leur prise d'armes ou de leur fuite face à l'administration coloniale jusqu'à leur ultime souffle, de leur ancrage dans un territoire rural en proie à la dépossession à leur transportation au bagne. Ces trajectoires conflictuelles sont scrutées au travers d'un ensemble de sources allant des archives de la répression à la poésie populaire en passant par la presse et des correspondances privées.
Les objets ont-ils du pouvoir? Comment interviennent-ils dans la fabrique sans cesse renouvelée des rapports sociaux de pouvoir? Inscrit dans le " tournant matériel " des sciences sociales, cet ouvrage prend les objets au sérieux et en fait un levier opératoire pour saisir les mécanismes de pouvoir et de domination qui structurent les sociétés. Il analyse leur présence dans l'espace et démontre que les objets matériels sont à la fois des opérateurs et des révélateurs des inégalités sociales. Les contributions qu'il réunit assument de considérer la dimension matérielle de la domination. Plus encore, en mettant en lumière des objets négligés, banals, ou encore des systèmes d'objets, les textes rassemblés mettent au jour des formes de domination peu connues. Les objets étudiés sont d'une grande variété et s'inscrivent dans des contextes socio-culturels très divers. Leur rapprochement éclaire des formes de domination qui procèdent des institutions, mais aussi de logiques de distinction sociale ou d'appropriation territoriale.
La reconnaissance de la capacité juridique comme droit humain suscite depuis vingt ans une vive controverse sociale et scientifique portant sur l'abolition des me´canismes le´gaux de prise de de´cision substitutive (soins force´s, tutelle, curatelle...). À travers le développement d'une démarche de recherche participative, cet ouvrage examine l'émergence de ce débat dans le contexte international ainsi que son appropriation dans le cadre français et explore les tensions entre l'affirmation d'un idéal utopique et sa difficile domestication dans la vie sociale. Loin de réduire le langage des droits humains à une idéologie abstraite, comme le font parfois les sciences sociales, ce livre de´veloppe une sociologie affirmative originale qui conjugue recherches empiriques et quête sociale d'une meilleure considération des plus vulnérables. Ce faisant, il éclaire les conditions anthropologiques, politiques et cliniques de l'ave`nement d'un ide´al, en me^me temps que sa portée transformatrice.
Survivre et décider dans l'univers concentrationnaire
Dans une Europe sous la domination du régime national-socialiste, en particulier dans les ghettos, dans les camps de concentration et dans les camps d'extermination, des hommes et des femmes furent confrontés à la nécessité de faire des choix dans des conditions extrêmes. Plusieurs récits sont parvenus jusqu'à nous: une mère a dû sacrifier un de ses enfants pour permettre à un autre de vivre; un détenu devenu " Kapo " a été contraint de choisir quels prisonniers protéger au détriment des autres; un médecin ou soignant a dû choisir quels malades à l'infirmerie avaient le plus de chance de survivre pour leur éviter la sélection… Dans ces conditions extrêmes, l'ensemble des valeurs qui présidaient au choix entraient en conflit – qu'elles soient liées à la morale individuelle, à l'éthique professionnelle ou à la logique d'une résistance collective. En cela, le choix était à la fois impossible et en même temps inévitable et nécessaire. Le spécialiste de la littérature sur le génocide juif, Lawrence L. Langer, l'a désigné en 1980 par l'expression de choiceless choice: un non-choix, c'est-à-dire un choix qui n'en est pas un.
Le cas des nouvelles migrations italiennes à Paris
Depuis la crise financière de la fin des années 2000, les jeunes adultes d'Europe du Sud – et d'Italie en particulier – ont repris la route de l'exil. Ces nouvelles migrations, encore peu étudiées, sont présentées dans les médias comme une fuite des cerveaux. À travers une enquête ethnographique menée auprès d'Italiens récemment arrivés à Paris, ce livre en propose une autre approche, centrée sur le rôle de la famille. Les nouvelles migrations italiennes concernent en effet des jeunes diplômés issus d'une classe moyenne précarisée et très dépendants du soutien de leur famille d'origine. Trois ménages italiens installés à Paris ont été suivis pendant deux ans, ainsi que les membres de leur " parenté pratique " mobilisés dans leur vie quotidienne, et résidant en Italie, en France et en Europe.Le livre revisite ainsi le concept de famille transnationale, habituellement étudié dans le cadre des migrations en provenance du Sud global, pour montrer les formes spécifiques que prend cette dernière dans le contexte de l'intégration européenne. Alors que les politiques de regroupement familial sont de plus en plus restrictives pour les migrants des pays extérieurs à l'espace Schengen, le régime de libre circulation confère aux citoyens européens un " privilège de parenté ", générant de nouvelles manières de faire famille par-delà les frontières et des formes originales de protection sociale transnationale.
Époux, parents et citoyens en Côte d'Ivoire (1951-1968)
Comment la conjugalité patriarcale est-elle devenue un modèle familial en Côte d'Ivoire après l'indépendance ? Comment ce modèle a-t-il conduit à une inclusion différenciée des hommes et des femmes dans la citoyenneté ?Cet ouvrage illustre d'abord la diversité des acteurs ivoiriens et français qui ont débattu des normes familiales avant leur formalisation dans un Code civil en 1964. Administrateurs coloniaux, députés et syndicalistes ivoiriens, militants chrétiens mais aussi auteurs de sciences sociales soutiennent l'autorité des pères sur des entités nucléaires, au motif notamment que cette forme familiale serait plus favorable au développement économique.L'originalité de cet ouvrage est ensuite d'examiner l'application des législations familiales dans les administrations. La promotion de l'amour romantique et de nouveaux rapports de genre, une masculinité pourvoyeuse et une féminité domestique, influence les carrières ouvertes aux hommes et femmes, les avantages dont ils et elles pouvaient se prévaloir auprès des services sociaux, mais encore les modalités de leur intégration à l'État. Louise Barré montre comment le processus de redistribution étatique envers les hommes salariés et chefs de ménage, tout en entraînant une distinction durable entre les citoyens et citoyennes, fit aussi des couples des arènes de conflits.
Accords de double nationalité, externalisation des contrôles aux frontières, multiplication des ministère publics en charge des diasporas... Comment les politiques ciblant les flux migratoires transforment-elles l'État? Le présent ouvrage renouvelle les débats sur le transnationalisme qui, depuis plus de 30 ans, animent les études migratoires. Si les premières études sur les pratiques transnationales des migrants se sont développées sans prendre en compte l'État, Thomas Lacroix explore au contraire, avec le concept de " transnationalisme migratoire ", la relation étroite entre " État transnational ", c'est-à-dire l'ensemble des politiques et administrations d'un État destiné à réguler les flux transnationaux, et " société transnationale ", soit l'écheveau des institutions sociales permettant de maintenir des liens, des pratiques et des relations par-delà les frontières. L'auteur propose ainsi la première théorie globale de l'État transnational en lien avec une théorie sociale de la société transnationale.S'appuyant sur plus de 20 ans de recherches sur des terrains variés – dans les pays du Nord comme du Sud, dans des espaces de départ, de transit ou de destination –, ce livre fournit une boîte à outils pour détacher la question migratoire des passions mortifères et mieux comprendre les impasses des politiques migratoires actuelles.
Le passage des frontières professionnelles en question
Des médecins quittent leur cabinet pour des mandats électoraux ou des ministères, l'industrie pharmaceutique ou les médias; des artistes accèdent à des corps administratifs d'inspection; des juristes se font consultants. Les enquêtes de sciences sociales réunies dans cet ouvrage s'intéressent à un phénomène bien connu, souvent désigné par les expressions de " seconde carrière ", de " reconversions professionnelles ", voire d'" engagement politique " ou " intellectuel ": le fait, pour des acteurs sociaux, de changer de métier ou d'activité professionnelle.L'ouvrage propose de redéfinir ces changements d'activité comme des " déplacements " professionnels, c'est-à-dire comme des passages de frontières, lesquels supposent la mobilisation de capitaux plus ou moins convertibles, et impliquent l'occupation ou l'abandon de places. À travers des études de cas sur les agriculteurs, les avocats, les policiers, les hauts fonctionnaires, les consultants, ou les médecins, il s'agit ainsi de repenser les enjeux contemporains des mobilités professionnelles.